Centrale nucléaire de Penly : la fissure de trop ?

publié le 09 mars 2023
dessin de "Reporterre" - reporterre.net/Le-gouvernement-veut-pousser-les-reacteurs-nucleaires-jusqu-a-60-ans"

Une fissure de 23mm de profondeur (sur une épaisseur totale de 27mm, donc à 4mm d’une fuite ou d’une rupture) et qui s’étend sur 155mm (le 1/4 de la circonférence de la canalisation) a été découverte dans le réacteur n°1 de la centrale à l’arrêt depuis octobre 2021 (pour cause de fissures…) de Penly (commune de Petit-Caux en Seine Maritime) sur une canalisation du circuit d’injection de sécurité (RIS) qui doit refroidir le réacteur en cas de perte de réfrigérant du circuit primaire.

De telles fissures avaient déjà été découverte sur les réacteurs de Civaux, Chooz (les plus récents et les plus puissants) … et Penly en 2021 (voir article ici), ce qui avait nécessité leur arrêt, mais jamais des fissures de cette importance.

Ces fissures sont liées à un problème de corrosion sous contrainte (CSC) , phénomène « pernicieux » comme le dit l’IRSN : « Il s’agit d’un phénomène pernicieux puisqu’il n’est détectable qu’après une période d’incubation, qui peut durer plusieurs dizaines d’années. Il n’est possible d’identifier sa présence qu’une fois la fissuration amorcée, c’est-à-dire que des contrôles réalisés régulièrement sur les tuyauteries ne peuvent identifier le phénomène qu’une fois un défaut présent« . Il résulte généralement de l’action conjuguée d’une contrainte mécanique et d’un milieu agressif.

Le problème est que cela concerne des tuyauteries transportant le liquide réfrigérant (de l’eau borée) chargé de refroidir le cœur du réacteur. Si le cœur ne peut plus être refroidi, il entre en fusion incontrôlable comme à Tchernobyl,  Fukushima et Three Mile Island.

Plus inquiétant encore concernant cette fissure découverte à Penly 1, et comme le déclare le président de l’ASN, Bernard Doroszczuk : « il y a eu une approche qui n’est pas acceptable, qui a consisté un peu à forcer les tuyauteries pour les aligner pour les souder, et il y a eu sur cette soudure des défauts qui ont conduit à une deuxième réparation« . Mais pour EDF « cette ligne était considérée comme non sensible à la fissuration par corrosion sous contrainte en raison notamment de sa géométrie« 

Le redémarrage de Penly 1 à  l’arrêt depuis octobre 2021, pour cause de micro fissures, était prévu le 2 mai 2023. La découverte de cette nouvelle fissure, beaucoup plus importante, remet en cause le maintien en service au minimum des autres réacteurs du même type (P’4), et plus largement des réacteurs nucléaires existant.

Depuis 2021, 16 réacteurs sont concernées par ces micro fissures, et 6 d’entre eux (Belleville 1, Belleville 2, Cattenom 2, Golfech 2, Nogent 1, Nogent 2) doivent être réparés avant une éventuelle remise en service. Lorsqu’on voit que c’est suite à une réparation de ce type que la fissure sur Penly 1 s’est produite ou aggravée, on peut légitimement s’inquiéter.

Malgré les problèmes de fissures déjà détectées en 2021, le 9 décembre 2022, à la centrale de Penly, Bruno Le Maire affichait ses ambitions pour EDF : « « EDF tient son calendrier et nous sommes sur la bonne voie. Arrêtons de dire que c’est la catastrophe, ce n’est pas vrai ».

Faudra-t-il une catastrophe nucléaire du type Fukushima ou Tchernobyl sur l’un des 56 réacteurs nucléaires français pour s’engager sans délai sur la « bonne voie » de la sortie du nucléaire ?

Mise à jour du 9 mars à 23h

Après la fissure sur le réacteur 1 de Penly, d’autres fissures importantes viennent d’être découvertes sur deux autres réacteurs nucléaires, dues cette fois à un phénomène de « fatigue thermique » apparaissant sur les aciers inoxydables quand une pièce est soumise à des variations de températures. Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que ce phénomène n’était pas prévu sur la partie de la tuyauterie ou il a été découvert : quelles autres anomalies non prévues vont être mise à jour ?

  • à Penly également, mais sur le réacteur n° 2, une fissure de 57mm de long sur une profondeur de 12mm
  • à Cattenom 3, une fissure de 16,5cm sur une profondeur de 4mm

 Mais selon Claude Imauven, Président du Conseil d’Administration d’Orano, sur RTL à propos de l’industrie nucléaire : « C’est une filière d’excellence qui porte haut les couleurs de l’expertise industrielle Française« , malgré une dette abyssale d’EDF de 60 milliards d’euros, la moitié du parc nucléaire à l’arrêt, le fiasco de Flamanville (budget initial de 3 milliards d’euros qui est passé à plus de 13 milliards, un retard de 11 années, un couvercle de cuve qui devra être remplacé avant même le démarrage…)  , des malfaçons à répétition dont les fissures découvertes sur les réacteurs ne représentent qu’une partie, des falsifications de documents techniques… : une filière d’excellence !

Et avec tout ce fiasco, Emmanuel Macron veut construire  au minimum 6 réacteurs supplémentaires ! 

Sources et liens :

https://reporterre.net/Corrosion-et-fissures-les-quatre-plus-gros-reacteurs-nucleaires-francais-a-l-arret

https://www.irsn.fr/FR/Actualites_presse/Actualites/Pages/20220120_NI-Endommagement-corrosion-sous-contrainte-tuyauteries-reacteurs-EDF.aspx#.ZAj69x-ZPt8

https://www.asn.fr/l-asn-controle/corrosion-sous-contrainte

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