Le rapport gouvernemental qui reconnait l’échec de l’EPR de Flamanville

publié le 09 mars 2022

Suite aux dérives de coûts, de délais et des innombrables malfaçons de la construction de l’EPR de Flamanville, le gouvernement avait commandé un rapport à Jean-Martin Folz [1] afin de faire « une analyse des raisons qui avaient conduit au choix de l’EPR , des causes des retards successifs et des écarts entre les prévisions initiales et les coûts à terminaison de la construction de ce réacteur à Flamanville« 

Mr Jean-Martin Folz n’étant pas vraiment un anti-nucléaire forcené, son rapport n’en est que plus inquiétant.

[1] Jean-Martin Folz : Pdg de PSA Peugeot Citroën de 1997 à 2007, Pdg de Eutelsat de 2011 à 2013, et après sa retraite de PSA (montant de cette retraite 800.000€/an …) : président de l’AFEP (Association Française des Entreprises Privés, le plus puissant lobby économique de France) administrateur de la Société Générale, membre des conseils d’administration de Saint-Gobain et d’AXA etc …

Sa conclusion est claire :

"La construction de l’EPR de Flamanville aura accumulé tant de surcoûts et de délais qu’elle ne peut être considérée que comme un échec pour EDF"

Le rapport a été remis à Bruno Lemaire, ministre de l’économie, le 28 octobre 2019.

Vous pouvez le télécharger ici (le rapport, pas le ministre !).

Pétitions

Cet article reprend les points les plus important de ce rapport, et rajoute les « oublis » de celui-ci : problème sur la cuve du réacteur, détail des innombrables incidents qui ont émaillés la construction depuis 2007, falsifications de dossiers par Areva et couvert par EDF, travail au noir par la société Bouygues TP, détail du dernier problème en date sur la cuve du réacteur EPR de Taishan qui va impacter tous les EPR…

Des coûts et des délais qui explosent

Concernant les dérives des coûts et des délais, les chiffres de ce rapport sont édifiants :

Et encore, les coûts communiqués par EDF sont en dessous de la réalité :

le coût de construction sur lequel communique EDF est constitué de la somme des dépenses d’ingénierie et de maîtrise d’oeuvre comptées à partir de la date d’engagement d’une part et du montant des contrats passés avec les entreprises participant à la construction d’autre part .
Ce coût de construction diffère du coût «overnight» utilisé dans les statistiques internationales car il ne comprend en particulier ni différentes dépenses annexes comme les pièces de rechange et le premier chargement de combustible ni les dépenses dites «owner’s cost» supportées par l’exploitant avant la mise en service industrielle , comme le coût des personnels présents sur le site en phase de pré-exploitation et les charges fiscales supportées depuis l’autorisation administrative .
Le coût de construction affiché par EDF ne comporte pas non plus les intérêts intercalaires.

Les extraits ci-dessous viennent en très grande majorité du rapport de Jean-Martin Folz, les numéros de page du rapport sont indiqués.

Une estimation initiale irréaliste

L’estimation initiale du projet de l’EPR de Flamanville était de 3,3 Mrd € pour une durée de travaux de 54 mois.
A ce jour on en est à 19,1 Mrd € pour une durée de travaux de 15 ans !

Quelques extraits du rapport :

  • « EDF a donc grossièrement sous-estimé dans ses travaux d’extrapolation la différence de taille et surtout de complexité entre le palier N4 [les paliers N4 sont des réacteurs de 1450MWe, 2 à Chooz et 2 à Civaux, à partir desquels l’EPR a été conçu] et l’EPR » (page 15)
  • « Le délai de construction de 54 mois initialement annoncé apparaît quant à lui totalement déconnecté des dernières  expériences d’EDF … la durée de construction du réacteur de Chooz B1 , tête de série du palier N4 , avait été de 142 mois … pour Civaux 2 , dernière tranche construite , la construction jusqu’au chargement du combustible avait été de 98 mois. Et à une époque où il n’y avait pas de «lissage» , la tête de série du palier P4 de 1300 MW (Paluel 1) a été mise en service 100 mois après le 1er béton . On est bien loin des 54 mois annoncés pour Flamanville » (page 15)
  • « En conclusion, et s’il est d’usage de considérer que les estimations initiales d’un grand projet sont souvent affectées d’un «biais d’optimisme» , celles effectuées pour la construction de l’EPR de Flamanville doivent être qualifiées , au mieux , d’irréalistes. » (page 15)

Un réacteur nucléaire de "nouvelle" génération...sans innovations technologique

« Sur le plan technologique par contre , il n’y a pas à proprement parler d’innovations mis à part le « core-catcher » (récupérateur de corium pour récupérer le corium issu de la fusion accidentelle d’un réacteur nucléaire) et les principales nouveautés de l’EPR par rapport au N4 n’en sont que pour EDF et le régulateur français car elles concernent des équipements en service sur les réacteurs Konvoi  [réacteur allemand sur lequel s’est basé l’EPR, identique également aux réacteurs de  Chooz et  Civaux] » (page 16)

Une économie de coût de construction au détriment de la sécurité

« Aux difficultés intrinsèques de la réalisation d’un ensemble indéniablement complexe sont venues s’ajouter certaines conséquences malheureuses des travaux dits d’optimisation du Basic Design : pour diminuer la taille et donc le coût des bâtiments , de nombreux ajustements du design initial sont en effet venus obérer leur constructibilité (entre autres les fréquents désalignements des voiles de béton) et rendre plus complexes les opérations de montages électro-mécaniques dans des espaces rendus plus exigus. » (page 17)

Une gouvernance de projet inappropriée

« Le vocabulaire utilisé par EDF au lancement et pendant les premières années du projet « architecte-ensemblier , commanditaire , pilote stratégique , pilote opérationnel ,…. » masque une confusion entre les rôles majeurs dans la gestion d’un projet , maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’oeuvre , qui sont dans les faits tous les deux assumés par la direction des études . A la différence des pratiques usuelles dans d’autres secteurs industriels mettant en œuvre des grands projets , on ne trouve pas dans le projet de Flamanville un maître d’ouvrage bien identifié » (pages 17&18)

« … il n’y a pas de «chef de projet » clairement identifié… » (page 18)

« Ainsi l’organisation mise en place pour la direction du projet comme le suivi de celui-ci par les instances de gouvernance du groupe paraissent ne pas avoir été pendant longtemps en adéquation avec l’ enjeu financier , stratégique et de réputation que constitue la construction de l’EPR de Flamanville » (page 18)

Des équipes de projet à la peine

« Force est d’abord de constater que les outils et les méthodes de management indispensables au management d’un projet de cette envergure n’ont pas été mis en place au lancement de celui-ci ;
EDF semble avoir ignoré certaines des bonnes pratiques en vigueur dans d’autres secteurs » (page 19)

« Sans doute soumis à une forte pression hiérarchique et médiatique , les responsables du projet ont longtemps été dans le déni puis n’ont pu que repousser au rythme des mauvaises nouvelles la date espérée de mise en service tout en s’efforçant toujours de minimiser le retard annoncé . Pour ce faire , et pour avancer coûte que coûte , la direction du projet a été progressivement conduite à ne plus gérer que par un planning en permanente modification , entreprenant montages et essais locaux au fur et à mesure qu’apparaissait une opportunité , au risque d’affecter la cohérence et la bonne organisation du chantier  » (page 19)

« une part des lacunes dans les opérations de contrôle et de surveillance des travaux des entreprises ainsi que des difficultés d’organisation de ceux-ci doit sans doute être attribuée à l’insuffisance de l’encadrement local par les équipes du projet » (page 20)

Une organisation complexe des ressources d’ingénierie

« Par ailleurs l’allotissement des contrats confie des sous-ensembles importants (génie civil , salle des machines , …) à des fournisseurs de premier rang ( Bouygues , Alstom ,…) qui se voient ainsi confier des rôles de maîtrise d’oeuvre déléguée et donc les responsabilités correspondantes d’ingénierie et de contrôle de leurs sous-traitants sans en avoir toujours toutes les compétences requises » (page 21)

Des études insuffisamment avancées au lancement

« Si le basic design [conception de base] de l’EPR était bien achevé en 2006 au lancement du projet , les travaux d’ingénierie de détail étaient à peine entamés et les études de sûreté , d’incendie , d’agressions , de qualification des matériels peu engagées . Alors que la direction du projet considérait à l’époque que 40 % des études seraient réalisées au 1er béton fin 2007 , donc 3 millions d’heures de reste à faire sur un total prévu de 5 , les dernières prévisions dépassent très largement 20 millions d’heures …. » (pages 21&22)
 
« L’immaturité des études au lancement et les mesures de correction tardives qu’elle a entraînées auront ainsi contribué très significativement aux dérives du calendrier du projet et auront généré outre des consommations supplémentaires d’heures d’études , une instabilité des spécifications et instructions données , qui s’est parfois révélée déroutante pour les entreprises contractantes , et la nécessité de nombreuses reprises sur des montages déjà réalisés  » (page 22)

Des malfaçons en pagaille - non détaillées dans le rapport Folz

Le chantier de Flamanville n’en finit plus d’accumuler les malfaçons (qui ne sont pas listés dans le rapport Folz) la plupart pouvant provoquer des accidents graves, ci-dessous un petit florilège qui est loin d’être exhaustif.
source : FranceInfo 20/06/2019

Décembre 2007 : des fissures détectées dans les fondations
Les ennuis commencent dès la première année. En décembre 2007, la dalle qui sert de fondation au bâtiment réacteur (appelée radier) et qui doit donc être stable et étanche, se fissure dès que le béton durcit. Une résine sera injectée pour combler les failles, mais cette résine ne résiste pas aux températures en cas d’accident. La base même de l’EPR est rafistolée dès la première année ! Pression pour respecter les délais, il faut faire vite, mais pas forcément faire bien. Les anomalies de génie civil se multiplient. Des nids de cailloux et des vides sont détectés dans les murs des piscines du bâtiment réacteur. La disposition des armatures de fer du bâtiment destiné à l’entreposage de combustible usé n’est pas conforme aux plans, celle du bâtiment destiné à abriter une partie des systèmes de sauvegarde du réacteur non plus. À certains endroits le volume de béton est insuffisant. Les activités de coulage du béton des ouvrages importants pour la sûreté seront suspendues pendant plus de trois semaines. La suite sur le dossier de Réseau pour sortir du nucléaire, chapitre « Des difficultés de construction »
Novembre 2009 : la sûreté du réacteur remise en cause

Les autorités de sûreté du nucléaire française, britannique (HSE/ND) et finlandaise (STUK) ont émis d’importantes réserves sur le « contrôle-commande » (ou système de pilotage) du réacteur développé par le français Areva et l’allemand Siemens.

La faille concerne l’indépendance des systèmes de sécurité. Sur un réacteur fiable à 100%, un mécanisme qui tombe en panne est immédiatement remplacé par un autre dispositif prenant le relais. Mais sur l’EPR d’EDF, les deux systèmes sont totalement dépendants. Le risque est qu’en cas de panne, l’exploitant perde le système de secours censé se mettre en route… en même temps que le système d’exploitation normal devenu défaillant ! « L’ensemble des concepts de sûreté d’un réacteur nucléaire repose sur des logiques de redondance et d’indépendance », précise le spécialiste Michaël Schneider interrogé sur les ondes d’Europe 1. Par exemple, un système de refroidissement a toujours au moins un suppléant. «Si vous avez toute une logique de système défaillante, une autre logique de système se met en place », répète Michaël Schneider.
Selon la Criirad, « L’indépendance d’un système de secours vis-à-vis du système dont il doit pallier le dysfonctionnement est une condition basique de la sûreté, Il s’agit d’un défaut de conception presque grossier et d’autant plus incompréhensible qu’il concerne le système de contrôle commande, un élément majeur de la sûreté qu’un responsable de l’ASN qualifie d’épine dorsale de l’installation.« 

Liens : https://www.asn.fr/l-asn-informe/actualites/systeme-de-controle-commande-du-reacteur-epr

rapport de l’IRSN sur l’architecture du contrôle-commande du réacteur EPR de Flamanville 3

https://www.sortirdunucleaire.org/Un-reacteur-entierement-informatise-complexe-et

Août 2011 : des piliers en béton "percés comme du gruyère"

« La ferraille à l’air, les enceintes du futur réacteur sont pleines de trous béants« , c’est le commentaire de l’ASN sur la photographie d’un mur endommagé de la piscine du bâtiment où doit être entreposé le combustible irradié.
Les experts décrivent ainsi « des piliers de béton percés comme du gruyère ou grêlés, de nombreux ‘nids de cailloux’ [zones remplies de pierres sans ciment]« , de nouvelles erreurs de ferraillage et « l’absence de nettoyage des fonds de coffrage, encombrés d’un amas de ligatures et autres objets non identifiés« .

Février 2012 : un électricien découvre des pièces défectueuses

Cette fois-ci, il ne s’agit pas de béton, mais de pièces industrielles en non-conformité qui composent le pont roulant circulaire. C’est lui qui doit servir à placer et sortir le combustible nucléaire de la cuve. Au total, 45 consoles, des boîtes métalliques qui doivent soutenir ce pont roulant, présentent des défauts de soudure. Chacune est haute comme un homme et pèse près de cinq tonnes.
Alors que ces consoles ont été posées à la fin 2011, ce n’est que le 20 février 2012 que le problème est détecté par un électricien lors d’une inspection.

source : https://www.lesechos.fr/2012/03/nouvel-arret-partiel-des-travaux-sur-lepr-de-flamanville-352616

Février 2015 : de multiples défaillances aux conséquences graves sur les soupapes de sûreté

Un rapport confidentiel de l’IRSN, que Médiapart avait pu se procurer, avertit sur « de multiples modes de défaillances aux conséquences graves » sur les soupapes de sûreté, équipements servant à dépressuriser le réacteur.
En cas de surpression du circuit primaire, dans la zone du réacteur, l’un des composants, le pressuriseur, est équipé de soupapes qui doivent s’ouvrir pour laisser partir la vapeur et faire ainsi baisser la pression.
Chauffée par le cœur nucléaire, l’eau est maintenue à haute pression dans le circuit primaire. Pour éviter une surpression qui pourrait abîmer les équipements et provoquer des fuites ou une explosion, les soupapes permettent de réguler cette pression et d’évacuer de la vapeur vers un autre circuit. Dans une centrale nucléaire, ces pièces sont déterminantes en cas d’accident. Leur dysfonctionnement a d’ailleurs été l’une des principales causes de l’accident nucléaire de Three Mile Island en mars 1979, le plus grave aux États-Unis, qui a conduit à l’arrêt du programme nucléaire américain.
La liste des dysfonctionnements établie par l’IRSN est longue : « Risques de fuites de fluide primaire », c’est-à-dire de l’eau qui doit refroidir le réacteur, « échec à l’ouverture observé », « échec à la fermeture observé ». Au regard de la gravité des faits, l’institut tient à surligner qu’« aucune fuite n’est acceptable » et que cette multitude de défaillances peut avoir des « conséquences graves ».
source : Article de Médiapart du 8 juin 2015

Avril 2015 : la cuve du réacteur n'est pas conforme

Alors que l’EPR est censé assurer un niveau de sûreté nucléaire inégalé, capable de résister à un tremblement de terre, à un tsunami ou bien à une fusion du réacteur, des anomalies sont détectées dans la composition même de la cuve. C’est à l’intérieur de celle-ci que doit se produire la fission des atomes et c’est elle qui constitue la seconde barrière de confinement de la radioactivité, après la double enceinte de béton du bâtiment du réacteur.

Le couvercle et le fond ont été fabriqués par Creusot Forge, en Bourgogne, entre septembre 2006 et décembre 2007, et le tout est installé le 24 janvier 2014 dans le bâtiment réacteur. Mais, neuf mois plus tard, le verdict tombe. Areva a enfin fait des tests sur la composition de l’acier, et ils sont négatifs : le fond et le couvercle présentent des « ségrégations carbone ». « L’acier de la cuve doit normalement contenir 0,2% de carbone, explique à franceinfo Yves Marignac, expert du secteur nucléaire. Là, c’est une concentration de plutôt 0,3%, ce qui suffit pour modifier les propriétés mécaniques de l’acier et, en particulier, pour influencer la température à laquelle il devient moins souple et plus cassant. »

On comprend la gravité de la situation lorsque l’on sait que le scénario de rupture de la cuve n’existe pas dans le nucléaire et qu’il n’y a pas de plan B en cas d’accident de ce type. De plus, cette pièce doit être sans défaut puisque c’est la seule qu’on ne peut pas changer au cours de la durée de vie d’un EPR, qui doit être de 60 à 100 ans…

Jean-Claude Delalonde, le président de l’Association nationale des comités et commissions locales d’information des centrales nucléaires (ANCCLI), s’insurge à l’époque sur franceinfo« Comment est-il possible qu’une cuve ait été fabriquée et qu’on ne l’ait pas vérifiée avant de la mettre en place ? C’est le b.a.-ba !« 

Voir le détail de la cuve de cristal ici

 

Juillet 2015 : Bouygues condamné pour travail dissimulé sur l'EPR

Du 16 septembre 2009 au 26 juin 2011, Bouygues TP a fait travailler de manière dissimulé 163 salariés qui étaient employés par la société Atlanco dont le siège était à Chypre et qui était un sous-traitant de Bouygues TP pour la construction du réacteur. Lors du procès en 1ère instance en juillet 2015, Bouygues TP avait été condamné à payer 25000€. Il avait fait appel, et lors du second procès  en 2017  sa condamnation a été confirmé, et le montant de l’amende passée à près de 30000€.
« Une entreprise initialement basée en Irlande, agissant par l’intermédiaire d’une succursale chypriote, pour recruter des Polonais qui n’ont jamais mis les pieds à Chypre et signent des contrats en grec auxquels ils ne comprennent rien « , s’était exclamé lors de l’audience en appel l’avocat général Marc Faury, estimant que Bouygues TP ne pouvait ignorer les irrégularités de son sous-traitant irlando-chypriote Atlanco sur ce chantier.
Le manque à gagner pour l’Urssaf est de 10 à 12 millions d’euros.

Sources :
https://www.lesechos.fr/2016/11/laffaire-des-travailleurs-detaches-du-chantier-de-flamanville-jugee-en-appel-226259
https://www.lemoniteur.fr/article/travail-au-noir-sur-l-epr-de-flamanville-la-sanction-contre-bouygues-tp-alourdie-en-appel.608034

 

Juillet 2018 : une centaine de soudures à reprendre

Le 25 juillet 2018, EDF annonce un report du démarrage de l’EPR fin 2019, et un surcout de 400 millions d’euros, faisant passer la facture à 11 milliards d’euros (par rapport aux 3,3 initiaux).
En cause des défauts sur 150 soudures de tuyauteries du « circuit secondaire principal » de l’EPR, celui qui sert à évacuer la vapeur produite dans le générateur vers la turbine puis à ramener de l’eau vers le générateur.
Téléchargez ici le dossier très complet de la Criirad

Mars 2021 : écart de conception concernant trois piquages du circuit principal du réacteur

Les piquages permettent de connecter le circuit primaire, qui contient l’eau qui permet de refroidir le cœur du réacteur et de transférer l’énergie issue de la réaction nucléaire aux générateurs de vapeur, et plusieurs circuits auxiliaires. Selon l’ASN, les soudures de ces trois piquages « ne respectent pas les exigences de la démarche d’exclusion de rupture » engagée par EDF pour cette partie des tuyauteries du circuit primaire. Or EDF et Framatome avaient élargi le diamètre de ces soudures par rapport à la conception initiale, ce qui pourrait entraîner une brèche plus importante que prévu en cas de rupture — et rend en tout cas caduques les études de sûreté transmises par EDF à l’ASN.
source : Reporterre 25/05/2021
Dossier complet ici

 

Juin 2021 : Le défaut du réacteur chinois de Taishan pourrait remettre en cause tous les EPR

Un problème d’étanchéité des assemblages de combustible sur le réacteur n°1 de l’EPR chinois de Taishan a généré des gaz rares radioactifs et aussi d’isotopes radioactifs de l’iode et du césium à l’intérieur de la cuve. Ces problèmes de perte d’étanchéité ont été causé par la rupture de gaines qui entoure le combustible nucléaire, elle-mêmes causés par des vibrations au niveau du cœur du réacteur.  Ces graves dysfonctionnements, qui ont conduit à l’arrêt de ce réacteur, seraient du à la conception même de la cuve du réacteur EPR, et concerneraient donc tout les EPR de la filière dont celui de Flamanville.
Dans ces conditions, il n’est pas acceptable d’envisager le chargement de combustible dans l’EPR de Flamanville.

L’histoire du couvercle de la cuve du réacteur de l’EPR de Flamanville - non détaillé dans le rapport Folz

Pétition : ne validez pas la cuve défectueuse de l’EPR !

L’analyse du problème de la cuve du réacteur de Flamanville n’étant pas décrite de manière assez claire dans le rapport (pages 23 à 25), ci-dessous l’analyse complète de l’historique de cet équipement dans un dossier du réseau pour sortir du nucléaire.
source : https://www.sortirdunucleaire.org/La-cuve-Une-defectuosite-majeure-au-coeur-de-l

Une anomalie « très sérieuse » selon le  président de l’ASN

Le 7 avril 2015, l’Autorité de Sûreté Nucléaire annonçait la découverte de défauts de fabrication sur la cuve du réacteur EPR de Flamanville. Ce sont le couvercle et le fond de la cuve, forgées en 2006 dans l’usine Areva/Saint-Marcel du Creusot, qui sont en cause. Les réacteurs EPR de Taishan 1 et 2 seraient également concernés, ayant été forgés avec le même procédé de fabrication.La réglementation exige que l’acier de la cuve présente une « résilience » suffisante pour résister sans déchirure à une énergie de 60 joules par cm2. Mais lors des essais exigés par l’ASN et effectués à reculons par Areva, les valeurs mesurées sont descendues jusqu’à 36 joules en certains points ! Selon l’ASN, la résilience est « un indicateur de la capacité d’un matériau à résister à la propagation de fissures ». En l’occurrence, cette propriété est « notamment importante en cas de choc thermique, par exemple à la suite d’une injection d’eau froide dans le circuit primaire du réacteur ».
La cause de cette faiblesse ? Une concentration de carbone trop importante, qui a été constatée dans une zone de 1,20 m de diamètre sur deux calottes (un couvercle et un fond) de cuve « témoins » similaires à celles de l’EPR de Flamanville et forgées de la même façon. Cet excès de carbone, qui s’enfonce à plus de la moitié de l’épaisseur des calottes, atteint jusqu’à 50 % par rapport à la norme ; selon l’ASN, c’est « un niveau non attendu, très supérieur à ceux rencontrés précédemment (maximum de 20% à 25%), avec des conséquences sur les propriétés mécaniques » notamment « celles relatives au risque de rupture brutale, mais également toutes les autres […], par exemple, au vieillissement » de l’acier de la cuve. Pour le président de l’ASN, il s’agit d’une anomalie « sérieuse, voire très sérieuse ».

Sûreté : la rupture de la cuve doit être « exclue »

Dans un réacteur nucléaire, la cuve est un composant absolument crucial : c’est elle qui contient les assemblages combustible donnant lieu à la réaction de fission nucléaire, et l’eau sous haute pression (155 bar) et à 320°C du circuit primaire, qui évacue la chaleur du cœur vers le générateur de vapeur. Elle constitue, dans le jargon de l’industrie nucléaire, la deuxième « barrière de défense en profondeur » destinée à éviter le relâchement de radioactivité à l’extérieur en cas d’accident. La cuve du réacteur EPR mesure 14 m de haut et 6 m de diamètre, et pèse 550 tonnes. Une fois le réacteur mis en service, et donc la cuve irradiée, celle-ci ne peut plus être remplacée – à l’exception de son couvercle, une opération qui a déjà été réalisée dans d’autres réacteurs.

Rien dans la conception des réacteurs nucléaires – et l’EPR ne fait pas exception – n’est prévu pour pouvoir faire face aux conséquences d’un accident qui provoquerait une rupture de la cuve sous haute pression. Pierre-Franck Chevet, président de l’ASN, rappelait ainsi aux parlementaires de l’OPECST en juillet 2015 que « la cuve et le générateur de vapeur ont une caractéristique très particulière dans la démonstration de sûreté : leur rupture doit être exclue. Nous employons les mots « démonstration » et « exclusion », parce qu’un certain nombre d’accidents qui supposeraient de tels scénarios de rupture ne sont pas pris en compte dans les études d’accidents. Ils doivent donc être exclus. » Dominique Delattre, chef de l’Unité des publications en matière de sûreté et de sécurité nucléaires de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), renchérissait : « une défaillance grave, comme la rupture de la cuve du réacteur […] doit être rendue impossible. »

Un procédé de fabrication inapproprié

La concentration de carbone dans l’acier constatée dans les calottes de la cuve de l’EPR est un phénomène classique en métallurgie, que l’on appelle une « ségrégation », et rien ne peut justifier qu’il n’ait pas été anticipé correctement par Areva. Le 30 septembre 2015, le groupe permanent d’experts pour les équipements sous pression de l’ASN « note que d’autres procédés de fabrication, notamment celui mis en œuvre pour les calottes de cuve de l’EPR finlandais, auraient permis d’éviter le phénomène de ségrégation majeure positive constaté. » Le groupe ajoute que « le risque d’hétérogénéité dû aux ségrégations résiduelles positives, phénomène métallurgique connu, a été mal apprécié et ses conséquences mal quantifiées. » Le 14 décembre 2015, Pierre-Franck Chevet enfonce le clou : « vous n’avez pas fait le choix de la meilleure technique disponible pour la réalisation des calottes de la cuve de l’EPR. »

Qui plus est, les défauts n’ont été découverts que « sous la pression de l’ASN, et non par l’exploitant ». Pierre-Franck Chevet précisait ainsi à Libération : « Les anomalies n’ont été détectées que parce que nous avons demandé des contrôles, mesures et essais supplémentaires. Areva n’était pas convaincu de leur utilité. Ils ont fini par faire les essais en affirmant qu’ils montreraient que ce n’était pas nécessaire. Pas de chance pour eux, il se trouve qu’effectivement, on a vu une anomalie. »

Suite à un audit effectué à la demande de l’ASN pour recenser les équipements des réacteurs en exploitation qui pourraient être affectés par une anomalie similaire à celle de la cuve de l’EPR de Flamanville, l’ASN a révélé, le 23 juin 2016, que les générateurs de vapeur (des éléments cruciaux pour la sûreté) de 18 réacteurs en fonctionnement « pourraient présenter une zone de concentration importante en carbone pouvant conduire à des propriétés mécaniques plus faibles qu’attendues. » EDF a bien évidemment estimé que ses réacteurs pouvaient continuer à fonctionner sans risque. Quant à l’ASN, elle considère « que les premiers éléments de justification apportés, sur la base desquels EDF a maintenu les équipements concernés en service, doivent être confortés. Elle a donc demandé à EDF de mener des investigations complémentaires ».

La cuve de l’EPR pourrait donc n’être que la pointe d’un iceberg de problèmes en train de se diriger droit sur l’ensemble du parc nucléaire français… Et si Areva pouvait se défendre maladroitement en expliquant que c’est la taille imposante de la cuve de l’EPR qui l’avait poussé à choisir un procédé de fabrication qui s’est avéré désastreux, un tel argument ne tient pas pour les « fonds primaires » (calottes inférieures) des générateurs de vapeur, de dimensions plus modestes.

Areva savait… depuis 2006 !

Pire, Areva avait connaissance de l’existence d’une ségrégation carbone dépassant la norme… dès 2006 ! Cette année-là, l’industriel avait mené « de son propre chef, des analyses chimiques sur des copeaux prélevés sur l’énorme lingot de 160 tonnes d’acier destiné au couvercle [de la cuve] de Flamanville. Les résultats de ces études figurent dans deux notes internes datées des 15 et 26 janvier 2010, qu’Areva a gardé sous le coude jusqu’en 2015″ selon le Canard Enchaîné du 8 juillet 2015, qui a eu accès à ces documents.

Sylvie Cadet-Mercier, directrice des systèmes nouveaux réacteurs et démarches de sûreté à l’IRSN, qui a rédigé la note que le Canard Enchaîné s’est procuré, a déclaré : « Nous n’avons été informés qu’en 2015, par une note d’Areva datant de 2010. Nous ne savions absolument rien avant » . Elle précisait par ailleurs que « Ce qui nous a surpris, c’est que les gens d’Areva n’aient pas réagi devant une valeur anormale aussi élevée. […] S’agit-il d’un manque de compétence ? De vigilance ? De surveillance ? »

Areva avait certes transmis les résultats des tests de 2006 à l’ASN en 2008 « parmi d’autres données », mais ces tests avaient pour seule fonction de vérifier la bonne orientation des disques d’acier, avant qu’ils soient emboutis pour leur donner la forme hémisphérique des calottes de cuve.

En clair, s’il se peut qu’il n’y ait pas eu « dissimulation » des résultats à proprement parler, a minima le poisson était savamment noyé… Mais même cette molle défense semble cousue de fil blanc : en effet, dans deux synthèses de qualification technique des calottes de la cuve adressées à l’ASN en février et mars 2008, Areva conclut « en se basant sur des essais réalisés en périphérie, à l’homogénéité de la composition chimique et au très bon niveau de résilience dans l’ensemble de la pièce. »

Une « démonstration alternative » de la sûreté de la cuve ?

La cuve étant désormais installée dans le bâtiment réacteur et soudée aux tuyauteries du circuit primaire, la retirer pour remplacer la calotte inférieure représenterait un surcoût de centaines de millions d’euros au bas mot. Il est permis d’imaginer qu’Areva et EDF ne sont pas du tout enthousiastes à l’idée d’étudier « dès à présent l’ensemble des scénarios techniques alternatifs, tels que le remplacement du fond de cuve et la fabrication d’un nouveau couvercle », comme les y a enjoint le président de l’ASN. Quant à renoncer purement et simplement à la mise en service de l’EPR, c’est bien sûr une perspective totalement exclue du champ de la discussion par les industriels et l’État.

Areva et EDF vont donc tenter de prouver par une « démonstration alternative » que, malgré ses défauts, la ténacité de la cuve de l’EPR est suffisante pour garantir la sûreté. Cette démonstration impose un programme d’essais complémentaires, qui vise à évaluer et justifier la ténacité des parties faibles de la cuve. Ce sont des essais dits « destructifs » : les pièces testées seront définitivement inutilisables. Comme l’explique Rémy Catteau, directeur des équipements sous pression à l’ASN, « Sauf à les remplacer, ces essais ne peuvent être conduits sur les calottes de la cuve de Flamanville. Elles le seront donc sur des calottes initialement destinées à d’autres EPR. Une question majeure porte sur la représentativité de ces pièces d’essai par rapport à celles du réacteur de Flamanville. »

Malgré les nombreuses incertitudes inhérentes à cette démarche dérogatoire, l’Autorité de Sûreté Nucléaire aura-t-elle la capacité et la latitude de faire preuve d’indépendance jusqu’au bout sur ce dossier, déterminant non seulement pour la sûreté mais aussi pour l’avenir de l’EPR et la crédibilité de l’industrie nucléaire française ? Rien n’est moins sûr : c’est que la cuve de l’EPR est un équipement nucléaire sous haute pression… politique !

Et, comme l’a écrit Delphine Batho après s’être vu retirer son portefeuille de ministre de l’environnement par François Hollande en 2013, « ce n’est pas l’État qui dirige EDF, mais à l’inverse le patron d’EDF qui semble diriger l’État ». Depuis lors, le remplacement d’Henri Proglio par Jean-Bernard Lévy à la tête de l’électricien n’a pas changé grand chose à l’étroite imbrication de l’État et d’EDF, maître d’oeuvre du chantier de l’EPR de Flamanville…

Vers un EPR exploité à puissance réduite ?

Pour l’ASN, les anomalies de la cuve de l’EPR « affectent le premier niveau de défense en profondeur, qui vise à assurer la garantie d’un haut niveau de qualité de conception et de fabrication » et qui « consiste à concevoir et construire l’installation en faisant appel à des techniques fiables et des matériels robustes et à organiser son exploitation de manière à maintenir l’installation dans son domaine normal de fonctionnement. »

L’Autorité ajoute qu’elle « considère que cette démarche seule [de justification alternative de la ténacité de la cuve par des essais complémentaires] ne permettra pas de restaurer la garantie sur la robustesse du premier niveau de défense en profondeur qu’aurait apportée une qualification technique conforme aux standards actuels. » En conséquence, l’ASN demande à EDF de « proposer des mesures renforcées de contrôle de mise en service, d’exploitation et de suivi en service adaptées à la situation rencontrée ».

À défaut d’avoir réussi à forger correctement la cuve de l’EPR, la stratégie probable d’EDF et Areva semble donc devoir être de justifier la ténacité de la cuve de l’EPR par des mesures relatives aux conditions d’exploitation du réacteur. Il se pourrait bien qu’EDF préfère sacrifier les performances optimales théoriques de l’EPR en termes de production électrique, en abaissant la puissance, le facteur de charge, le taux de combustion (burn-up) du combustible nucléaire, en renonçant à utiliser du MOX, et caetera, de sorte à amoindrir les contraintes physiques auxquelles la cuve sera soumise en exploitation. Pour simplifier, EDF pourrait faire tourner son réacteur au ralenti pour éviter (peut-être) qu’il casse…

Si tel devait être l’aboutissement de cette véritable farce industrielle, alors non seulement le coût de construction de l’EPR aura été multiplié par plus de 3 au final, mais en plus le coût de production du MWh se dégradera d’autant plus qu’EDF reverra à la baisse ses ambitions en termes de maximisation des conditions d’exploitation du réacteur. À l’heure actuelle, le coût du MWh de l’EPR est désormais estimé à environ 100 €/MWh, mais cette estimation n’a sans doute pas fini de monter… Or, fin 2013 l’ADEME estimait déjà que le prix d’achat moyen de l’électricité sur la durée de vie d’une éolienne terrestre était de l’ordre de seulement 70 €/MWh, soit 30 % de moins.

Explosion des coûts de construction, explosion du prix de l’électricité… Tel est le bilan économique du réacteur EPR avant même son achèvement. Et si on arrêtait les frais ?

Falsifications de dossiers à l’usine du Creusot - information absente dans le rapport Folz

Le rapport de Jean-Martin Folz ne parle bizarrement pas du scandale des dossiers falsifiés par Creusot forge alors que EDF et AREVA étaient au courant depuis 2005 et ont continué à lui confier la fabrication d’éléments sensibles. Parmi les pièces non conformes à la réglementation mais avec des dossiers falsifiés se trouve la cuve du réacteur de Flamanville.

Après le rachat de Creusot forge par AREVA (pour 170 millions d’euros, alors que l’ancien propriétaire, Michel-Yves Bolloré, l’avait acquis pour 800000 euros 3 ans plus tôt), est lancée la construction du fond et du couvercle de la cuve du réacteur de l’EPR de Flamanville. Dès août 2006, l’ASN écrit à Areva pour lui demander de démontrer que les deux pièces sont bien conformes à la réglementation. Pendant 7 ans les échanges de courriers se succèdent, sans résultats. Le 24 janvier 2014 la cuve est posée dans le bâtiment réacteur. 9 mois plus tard, AREVA a fait enfin des tests; résultat : le fond et le couvercle présentent des « ségrégations carbone »  (l’acier contient plus de carbone que la norme autorisé). Thierry Charles de l’IRSN est affirmatif « On a un matériau dont la composition n’est pas celle attendue, et dont on peut craindre la rupture lorsqu’il va être soumis aux conditions de pression et de température qu’il va subir dans le réacteur. » Et cela pour une pièce dont la rupture doit être absolument exclue sous peine d’un accident nucléaire.
Après cette découverte, une revue complète de l’usine est lancée.
En mai 2016, les conclusions tombent : des pièces non conformes ont été livrées à l’industrie nucléaire et, dans certains cas, les dossiers de fabrication ont été falsifiés de façon à le dissimuler au client.

À la suite d’un audit de l’ASN lancé en 2015 – Areva a avoué que plus de 400 pièces produites depuis les années 60 par l’usine comporteraient des « irrégularités » – 66 de ces pièces sont actuellement utilisées par des réacteurs français en fonctionnement.

Ci-dessous une revue de presse concernant ce scandale majeur :

  • 1775 anomalies sur des pièces en service sur des réacteurs nucléaires ! Une communication d’EDF bien discrète pour étouffer le scandale des dossiers falsifiés à l’usine du Creusot – Réseau pour sortir du nucléaire 26/07/2018
Le scandale des dossiers falsifiés de l’usine du Creusot ne doit pas être étouffé ! Alors que cette usine de Framatome vient officiellement de reprendre ses activités après deux années d’interruption, le Réseau “Sortir du nucléaire“ souhaite attirer l’attention sur le nouveau décompte des malfaçons concernant des pièces qui y ont été produites. Publié bien discrètement, celui-ci appelle de nombreuses questions. Lire l’article entier ici
  • Au cœur de la crise nucléaire, des dizaines de fraudes et d’irrégularités dans une usine Areva – Reporterre 23/06/2017
Un audit réalisé au Creusot Forge, l’usine du groupe Areva où sont forgés les gros composants des centrales nucléaires, a révélé l’existence d’irrégularités dans 430 dossiers « barrés ». Certaines s’apparentent à des falsifications. Deux réacteurs sont toujours à l’arrêt depuis ces découvertes et 6.000 dossiers d’archive sont encore en cours d’examen. Lire l’article entier ici
  • Scandale de la forge du Creusot : Areva et EDF alertées dès 2005 – France Culture 30/03/2017 – Dossier très complet à lire !
Des documents prouvent qu’EDF et Areva savaient dès 2005 que la forge du Creusot n’était pas fiable. Pourtant, ils ont décidé d’y fabriquer la cuve de l’EPR de Flamanville. Un séisme dans l’industrie nucléaire française. Lire l’article entier ici
  • Tricheries dans les forges d’Areva : l’affaire qui ébranle le nucléaire français – Réseau pour sortir du nucléaire 18/11/2016
Voici l’histoire d’un scandale massif qui, de l’EPR de Flamanville à la centrale de Fessenheim, pourrait porter un coup fatal à l’industrie nucléaire et – qui sait ? – provoquer la fermeture brutale de nombreux réacteurs. À l’heure où nous rédigeons cet article, le feuilleton est loin d’être terminé ! Lire l’article entier ici
  • Scandale des anomalies : les associations portent plainte contre EDF et AREVA sur le cas Fessenheim – Réseau pour sortir du nucléaire 14/10/2016
Greenpeace France, le Réseau « Sortir du nucléaire », Stop Transports-Halte au nucléaire, Stop Fessenheim, CSFR, Alsace Nature et France Nature Environnement ont déposé le 14 octobre 2016 une plainte contre AREVA NP et EDF suite à la détection d’une anomalie sur le réacteur 2 de Fessenheim. Les associations demandent au Procureur de la République de Paris d’ouvrir une enquête préliminaire sur quatre délits majeurs, dont usage de faux et mise en danger délibérée de la vie d’autrui. Lire l’article entier ici
  • Falsifications à l’usine Areva du Creusot : le Réseau “Sortir du nucléaire“ demande l’arrêt des réacteurs concernés – Réseau pour sortir du nucléaire – 26/09/2016
Le 23 septembre, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a rendu publique une liste de 87 irrégularités affectant certaines pièces issues de l’usine Creusot Forge, où avait été dévoilé en mai dernier un scandale de falsification à grande échelle de dossiers de fabrications de pièces utilisées dans les réacteurs nucléaires. Celles-ci concernent des pièces équipant l’EPR de Flamanville ainsi que 24 réacteurs en fonctionnement Lire l’article entier ici
  • Rapport d’audit du Creusot : Areva masque la quasi-totalité des informations – Réseau pour sortir du nucléaire 22/09/2016
Suite à la communication d’un rapport d’audit caviardé en quasi-totalité par Areva, le Réseau « Sortir du Nucléaire » et Greenpeace ont saisi la Commission d’Accès aux Documents Administratifs le 22 septembre 2016. Lire l’article entier ici
  • À l’usine Areva du Creusot, des falsifications perduraient depuis des décennies ! – Réseau pour sortir du nucléaire 13/05/2016
En 2015, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avait mis en évidence des « anomalies » sur la cuve de l’EPR de Flamanville. Soupçonnant que ces défauts ne soient pas des cas isolés, l’ASN avait demandé en avril 2015 à Areva de lancer un audit sur son usine du Creusot, où avait été fabriqué ce couvercle de cuve mais d’où sortent également toutes sortes de composants (composants de cuve, rotors de turbines…) qui équipent les centrales nucléaire françaises. C’est ainsi qu’Areva a avoué à l’ASN avoir détecté des « irrégularités » dans les documents de fabrication d’environ 400 pièces produites depuis 1965. Selon EDF, 66 de ces pièces suspectes sont actuellement en service sur des réacteurs français. Comme le mentionnent Les Échos, huit dossiers concerneraient d’ailleurs un même réacteur. Lire l’article entier ici
  • Falsification de dossiers de fabrication à l’usine Areva du Creusot : des composants défectueux sur les centrales vieillissantes ? – Réseau pour sortir du nucléaire – 03/05/2016
Alors que Les Echos viennent de révéler la falsification de nombreux dossiers de fabrication de composants nucléaires à l’usine Areva du Creusot, le Réseau « Sortir du nucléaire » alerte sur la gravité de cette annonce. Lire l’article entier ici
  • Nucléaire : l’inquiétant soupçon qui pèse sur Areva – Les échos 02/05/2016
L’audit mené après la découverte d’une « anomalie » sur la cuve de l’EPR de Flamanville a révélé des incohérences dans les dossiers de fabrication des composants nucléaires sur le site d’Areva au Creusot. Il pourrait s’agir de falsifications. Lire l’article entier ici

Des relations insatisfaisantes avec les entreprises

« Un projet de l’ampleur et de la complexité de l’EPR de Flamanville aurait nécessité une collaboration confiante , encadrée bien entendu par des contrats solides , entre le maître d’oeuvre et les entreprises appelées à fournir des matériels ou des équipements et à intervenir sur le chantier ; cela n’a pas été le cas général » (page 25)
 
« Afin de s’affranchir des sujétions du suivi direct d’un trop grand nombre d’intervenants (plus de 500 pour les centrales du palier N4) le nombre de contrats passés par EDF a été volontairement limité à environ 150 ; dans ce but l’allotissement a donné une place importante à quelques grands intervenants, les huit principaux contrats représentant plus de 70 % du total [ … ] Ces grands intervenants se sont vus confier des lots importants impliquant de nombreuses sous-traitances. Ces transferts de responsabilité ont dans certains cas causé des difficultés importantes : entreprises maîtrisant mal certaines disciplines techniques du lot qui leur était attribué ou peinant à assurer des maîtrises d’œuvre dans des secteurs nouveaux pour elles , lacunes dans les spécifications transmises aux sous-traitants et dans le contrôle de leurs réalisations » (pages 25&26)
 
« Par ailleurs les contrats souvent passés au forfait l’ont été sur les bases d’études – dans de nombreux cas des extrapolations à partir du palier N4 – dont on a vu qu’elles comportaient de considérables sous-estimations » (page 26)
 
« La réalité du chantier et les très nombreuses modifications évoquées dans les pages précédentes ont entraîné des réévaluations considérables des besoins et donc des flux importants de réclamations et de négociations d’avenants . Les tensions que génèrent inévitablement ces discussions permanentes ne contribuent pas favorablement à l’atmosphère collaborative qui devrait être de mise sur un tel chantier . » (page 26)
 
« L’engagement des entreprises dans la réalisation du projet n’a pas toujours été non plus à la hauteur des enjeux » (page 26)
 
« le maître d’œuvre n’a pas su créer une véritable ambition commune qui associe étroitement les entreprises au projet mais est demeuré trop souvent dans un registre strictement prescriptif voire autoritaire » (page 26)

Une perte de compétences généralisée

 » il n’est pas surprenant de constater une perte de compétence certaine de la plupart des acteurs concernés , tant du fait du départ en retraite de spécialistes confirmés que du défaut d’entretien des expertises et savoir-faire inutilisés  » (page 28)
 
« Chez EDF d’abord, les capacités de maîtrise d’oeuvre d’un grand projet ont été pour le moins érodées ainsi qu’en témoignent les errements des premières années de la construction de l’EPR ; le même constat peut être fait sur l’aptitude à gérer un très gros chantier et sur la compétence technique des bureaux d’études ; ces derniers paraissent dans plusieurs cas s’être coupés des réalités du monde industriel en émettant des spécifications irréalisables ou en tombant dans les excès de l’over-engineering. » (page 28)
 
« Mention particulière doit être faite des usines de Framatome et en particulier de celle de Chalon Saint-Marcel dont la longue période de sous-activité aura entraîné une profonde dégradation du savoir-faire malheureusement illustrée par une désolante succession d’incidents majeurs  » (page 28)
 
« Perte de compétence également , et dans quelques rares cas aussi perte de conscience professionnelle , chez les organismes et entités chargés du contrôle , trop souvent dépassés par les lourdes tâches administratives qu’imposent les procédures nucléaires et perdant de vue l’importance du suivi technique rapproché des opérations manuelles . » (pages 28&29)
 
« Ce sombre inventaire des pertes de compétence ne saurait s’achever sans réserver une mention spéciale à la faiblesse des ressources et talents en technique et réalisation de soudage .
Qu’il s’agisse de soudures « classiques » , mais essentielles , comme celles des consoles du pont polaire ou de soudures « nucléaires » (soudage des adaptateurs du couvercle de cuve , des lignes primaires aux générateurs de vapeur , des mécanismes de commande de grappes , des tuyauteries du circuit secondaire principal ,…) les très nombreux incidents et malfaçons observés illustrent tant un certain manque de compétence des entreprises concernées que de vraies pénuries de soudeurs qualifiés.  » (page 29)

EPR de Taishan - Chine - non détaillé dans le rapport Folz

Dans son rapport, Jean-Martin Folz met en valeur les « meilleures performance du chantier de Taishan« .
Les deux réacteurs ont démarré pour l’un le 6 juin 2018, le 28 mai 2019 pour le second, après un retard de 5 ans.

Mais l’incident du 14 juin 2021 sur le réacteur n°1 de la centrale de Taishan devrait tempérer son enthousiasme, d’autant plus qu’il risque d’avoir des répercussions sur les EPR de Flamanville, d’Olkiluoto en Finlande et d’Hinkley Point au Royaume-Uni, puisqu’il pourrait s’agir d’un défaut de conception de la cuve du réacteur. Si cette information est confirmée, il faut savoir qu’il est quasiment impossible de remplacer une cuve d’un réacteur nucléaire.

A l’origine, un problème d’étanchéité des assemblages de combustible a été détecté provoquant la génération de gaz rares radioactifs dans la cuve.
Ce problème à été dévoilée par la chaine de juin  télévision américaine CNN le 8 juin 2021 « augmentation de la concentration de certains gaz rares dans le circuit primaire du réacteur EPR n°1 de la centrale de Taishan en Chine » et confirmé par EDF le 14 juin.
Si CNN n’avait pas dévoilée ce problème, EDF l’aurait-elle fait ? : un phénomène comparable avait déjà été détecté en février 2021 sur le réacteur n° 2 de la centrale française de Chooz lors du déchargement du combustible, et déclaré par EDF à l’ASN en juillet 2021…
Déjà en mars 2021, un avis de l’IRSN prononçait l’avis suivant :
« L’IRSN recommande que Framatome identifie les origines des vibrations élevées de la ligne d’expansion du pressuriseur observées sur différents réacteurs EPR [12] et présente, à un stade précoce de la conception les évolutions nécessaires sur les futurs réacteurs EPR2 pour pallier cette problématique de vibrations. »
Et dès 2018, lors de tests sur le réacteur EPR d’Olkiluoto en construction en Finlande, le même problème de vibrations avait été détecté sur la ligne d’expansion du pressuriseur (LEP), partie du circuit primaire.

Il s’est avéré à Taishan que des vibrations avaient provoqué la rupture de gaines (1ère barrière de confinement) entourant certains « batons » de combustible nucléaire, laissant s’échapper des gaz radioactifs au sein de la cuve.
La cause de ces vibrations pourrait être un défaut de conception de la cuve du réacteur EPR : d’’après un lanceur d’alerte français travaillant dans l’industrie nucléaire, et ayant accès à des éléments techniques très précis sur la situation du cœur du réacteur de Taishan 1 « les ruptures des gaines de combustible radioactif proviendraient (…) d’un défaut de conception de la cuve de l’EPR ». Ce défaut « entraînerait une mauvaise répartition du flux hydraulique et, par voie de conséquence, des vibrations très importantes sur les assemblages »
Cette hypothèse a été confirmé par l’ASN, lors de ses vœux à la presse en janvier 2022. « Il y a manifestement un écart entre ce que y a été modélisé et la réalité », explique Julien Collet, directeur général adjoint de l’Autorité de Sécurité Nucléaire.

« EDF travaille actuellement en lien avec l’exploitant de Taishan (TNPJVC) et Framatome à l’interprétation des résultats des contrôles sur le combustible déchargé du réacteur de Taishan 1. Ces analyses visent à identifier les phénomènes ayant conduit à la rupture des gaines de combustible et à déterminer si les autres réacteurs EPR sont concernés » déclare l’ASN.

EDF et Framatome étudient encore les données et devait fournir un dossier plus complet à l’ASN, courant février 2022.

Depuis cet incident, le réacteur n°1 de la centrale de Taishan a été mis à l’arrêt le 30 juillet 2021.

Si l’origine de ce défaut se confirme, cela pourrait être « l’incident » de trop pour la filière EPR (voir l’article de Reporterre « Le défaut du réacteur chinois pourrait remettre en cause tous les EPR« )

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